Reprise de Shadow : match serré entre Niel et Klaba

Coup de théâtre dans le redressement judiciaire de la startup française Blade. Alors que l’offre de reprise par Octave Klaba semblait la seule en lice, un groupe de salariés s’est porté candidat au rachat du spécialiste du cloud gaming. Et ce avec le soutien de Xavier Niel. Hier, l'affaire passait devant le tribunal de commerce de Paris, difficile de savoir qui va l’emporter. Délibéré le 30 avril. 

Blade va mal. Placé en redressement judiciaire en mars, la startup tricolore accumule les pertes et les déboires. On est bien loin de l’époque des levées de fonds et des ambitions européennes. Parmi les repreneurs potentiels de l’éditeur de Shadow, le fondateur d’OVH, Octave Klaba, par le biais de sa holding personnelle JezbyVentures. « A travers JezbyVentures, je ferai une offre de reprise de Shadow France dans l’objectif de développer une alternative européenne à Office365 / G-Suite » expliquait Octave Klaba dans un tweet. 

Xavier Niel entre en lice

Parmi les quelques offres déposées, celle de JezbyVentures semblait la mieux placée, et la seule que le juge du tribunal de commerce de Paris était susceptible de retenir. Mais c’était sans compter sur une poignée de salariés de Blade qui ont décidé de se porter acquéreurs de leur entreprise. « J’étais actionnaire de la société depuis sa création et, avec le redressement judiciaire, mes parts disparaissaient » raconte Yannis Weinbach, directeur marketing de Shadow jusqu’en 2018 puis responsable de la stratégie produit.

Yannis Weinbach, responsable de la stratégie produit.

« A force de discussion avec les collègues, avec Jean-Baptiste Kempf [multi-entrepreneur, derrière VLC notamment, et CTO de Shadow depuis novembre dernier] notamment, on s’est lancé pour déposer une offre au premier tour avec un plan et une stratégie assez clairs… mais pas d’argent » poursuit-il. Après deux semaines à contacter plusieurs investisseurs, les salariés ont rendez-vous avec Xavier Niel… avec qui « ça a bien accroché » selon Yannis Weinbach. Le patron d’Iliad revoit le business plan proposé, améliorant la stratégie pour permettre à Shadow d’être rentable le plus vite possible.

Rentabilité

Il s’agissait en outre pour les six salariés porteurs de l’offre d’apporter de la « concurrence » avec un plan « très simple » de réduction des coûts, d’augmentation des prix pour le grand public et de rentabilisation de l’infrastructure. Un dernier point crucial, puisqu’il s’agirait pour Blade de mettre sa puissance de calcul au service d’autres entreprises ou du secteur de l’éducation. Cependant, l’offre d’Octave Klaba ferait passer Shadow d’une infra en propre à un modèle de location chez OVH, nous apprend Yannis Weinbach.

« La volonté de Xavier Niel est qu’on soit agnostique, mais nous pouvons avoir une vraie stratégie de groupe avec Scaleway en termes d’achat », quant bien même l’un fait du hosting, l’autre cherche plutôt du GPU. L’offre de reprise a d’ailleurs été formée sous la houlette de Scaleway. « Iliad, en tant que partenaire industriel, permet d’offrir les meilleures conditions pour retenir les talents de Shadow en leur garantissant l’indépendance nécessaire à l’expression de leur savoir-faire » indique le communiqué émis par les salariés repreneurs. Les salariés détiendront 20% du capital de Blade, qui deviendra une filiale d’Iliad qui possèdera les 80% restants.

Une ambiance « bon enfant »

Côté finances, les deux propositions ne se distinguent guère : toutes deux proposent un financement autour de 30 millions d’euros, « assez pour remettre Shadow à flot » signale Yannis Weinbach. De fait, à l’audience devant le tribunal de commerce hier, on comptait les points de part et d’autre, dans une ambiance que l’ex directeur marketing décrit comme « bon enfant ». « La morale, c’est que personne n’est capable pour le moment de savoir qui va l’emporter, il va falloir attendre le délibéré du 30 avril ».

« L’offre des salariés défend une certaine vision de l’entreprise. Nous avons un projet ambitieux et voulons montrer aussi que Shadow est un projet tech à la pointe » insiste Yannis Weinbach. Et un objectif de rentabilité à l’horizon 2023, le temps « d’acheter beaucoup de machines ». Mais pour savoir qui d’Octave Klaba ou de Xavier Niel l’emporte, il faudra attendre le 30 avril.