Prélèvement à la source : Les éditeurs sont confiants, pas de bug à redouter !

ENQUÊTE AUPRÈS DES ÉDITEURS DE LOGICIELS DE PAIE ET DES CABINETS SPÉCIALISÉS EN SIRH

Après un report d’un an, pour cause d’ajustements techniques et réglementaires, le prélèvement à la source deviendra une réalité pour l’ensemble des entreprises à compter du 1er janvier 2019. Un vaste chantier dont les répercussions informatiques sont nombreuses : sécurisation de nouvelles données sensibles, mise à jour des logiciels de paie, gestion de nouveaux échanges avec l’Administration fiscale. Pour les acteurs de la filière SIRH, la DSI et la DRH doivent plus que jamais collaborer afin que la mise en place du dispositif se fasse sans encombre. Le développement technique du prélèvement à la source (PAS) n’aura pas été un long fleuve tranquille. Initialement prévue pour le 1er janvier 2018, sa mise en œuvre a été reportée d’un an, afin « d’examiner la robustesse technique et opérationnelle du dispositif », indiquait Édouard Philippe au printemps 2017. En septembre dernier, une note de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), révélée par le Parisien, a bien failli entraîner un second report. Selon ce document interne, la première phase de tests aurait mis en évidence de très nombreux bugs, notamment en février dernier où 350 000 anomalies ont été enregistrées. Parmi les principaux dysfonctionnements identifiés : des prélèvements multiples et des erreurs sur l’identité des contribuables. Mais la DGFiP s’est immédiatement voulue rassurante. « Ces tests n’ont jamais révélé de situations qui ne pourraient être résolues avant le lancement de la réforme. Ils ont, au contraire, permis d’améliorer encore le dispositif, notamment certains contrôles », a indiqué la Direction générale des finances publiques dans un communiqué. « Ces tests ont permis d’identifier les doublons et de déterminer comment les traiter pour éviter qu’ils se reproduisent. Contrairement à ce qui a été relayé, il est impossible que ces doublons conduisent à un double prélèvement des contribuables. » Plus de peur que de mal ? Ce premier bilan technique a tout de même fait hésiter le gouvernement pendant plusieurs jours. Le suspense aura pris fin le 4 septembre : Édouard Philippe annonçait que le PAS sera bien mis en œuvre au 1er janvier 2019. Si l’ombre du fiasco technique semble s’être dissipée, la filière SIRH reste plus que jamais mobilisée afin que le dispositif soit bien opérationnel au jour J. Et, en ce mois d’octobre de notre enquête, soit dix semaines avant l’échéance, le chantier semble loin d’être terminé.

Des mises à jour logicielles attendues jusqu’en décembre

La première phase de tests évoquée par la note de la DGFiP portait principalement sur l’infrastructure d’échange de données et utilisait des taux de prélèvement fictifs. Elle a démarré en mars 2018, suite à la signature d’une charte entre la DGFiP et plus de 80 éditeurs de logiciels de paie. « Cette charte a encadré les tests pilotes autour des échanges de données nécessaires au déploiement de l’impôt à la source. Elle a été le véritable point de départ du chantier du PAS », indique Laura Chikli, chef de marché Paie & RH chez Sage. Les premières mises à jour des logiciels de paie ont ensuite été livrées entre juin et septembre 2018 aux entreprises. Elles concernent principalement quatre modules : le moteur calculant la paie, le système gérant les échanges de données (lire ci-après), le modèle de référence des bulletins de salaire et l’« enregistrement comptable », qui recouvre les écritures comptables liées aux salaires.

Ces premières MAJ de logiciels ne sont qu’un point de départ. Des additifs sont prévus jusqu’au lancement opérationnel du dispositif. « Il y aura certainement des mises à jour jusqu’à la dernière minute, car les règles évoluent encore », indique Benoît Capitant, directeur associé chez Mc²i Groupe, en charge de l’offre de conseil en SIRH. Un avis partagé par Talentia Software : « Il y aura des mises à jour jusqu’en décembre », confirme Franck Boussard, manager opérations Clients & Compétences. Même son de cloche chez Cegedim SRH : « 100 % des cas ne sont pas encore résolus. Il y a encore des discussions au sein du groupe de travail rassemblant les éditeurs et l’administration fiscale. Concrètement, nous attendons des confirmations sur l’application de certaines règles », précise Agnès Pasquier, directrice de l’offre et des services. Quels sont ces cas épineux qui nécessitent des ajustements de dernière minute ? Mc²i Groupe évoque celui des avantages en nature, qui n’a été réglé que le 25 septembre. L’administration fiscale a ainsi précisé que ces avantages sont bien soumis à l’impôt. En revanche, deux situations doivent être distinguées dans la gestion du PAS. Les avantages en nature avec versement financier sont soumis au PAS, mais les avantages en nature sans versement financier, comme la mise à disposition d’un logement de fonction, ne sont pas soumis au PAS. Et des subtilités de la sorte, le PAS en regorge. Des précisions ont par exemple été récemment apportées pour les indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS). En cas d’arrêt de travail, les IJSS sont en principe versées directement au salarié par la sécurité sociale. Toutefois, par commodité, l’employeur peut percevoir ces IJSS et les intégrer directement au salaire du collaborateur (principe de subrogation). Sauf qu’il peut y avoir des données en doublons, avec des déclarations en provenance de l’entreprise comme de la sécurité sociale. Finalement, il a été décidé que les IJSS subrogées pour les temps partiels thérapeutiques ne seront pas soumises en PAS en 2019. Les autres en revanche le seront. Autres exemples de cas complexes : les salariés apprentis, les stagiaires, les contrats courts ou encore les revenus exceptionnels. « La majorité de ces cas a été traitée durant les premiers tests et nous n’avons pas rencontré de difficultés majeures », assure Jérôme Ricard, product marketing manager du Groupe Cegid. « Mais effectivement, il reste encore des points de détails à régler et des mises à jour de nos solutions devraient être publiées en décembre, par exemple sur le cas des expatriés ou des mi-temps thérapeutiques. »

Avantage pour les solutions SaaS ?

Ces multiples mises à jour, aussi près de l’échéance de la mise en production, sont-elles complexes à gérer par la DSI ? Selon les éditeurs, il n’y a pas d’enjeux techniques majeurs dans la mise à jour de leurs solutions, y compris celles « on premise ». Les cabinets de conseil pointent cependant le cas particulier des gros systèmes RH, de type HR Access de Sopra Groupe, déployés principalement chez de grands comptes. « Ce type de solution requiert beaucoup de paramétrages personnalisés, leur mise à jour est donc plus complexe. C’est au DSI et à la DRH de réaliser ces paramétrages et d’y intégrer les nouvelles règles de calculs », souligne Benoît Capitant. Même point de vue chez Calexa group, autre cabinet de conseil RH. « Pour la DSI, il faut organiser la mise à jour de ces gros systèmes, avec un planning réduisant l’impact d’éventuels dysfonctionnements. Par exemple, mieux vaut ne pas réaliser les MAJ en plein milieu des opérations de paie », indique Lazize Hebbouche, directeur associé. « Ces gros systèmes requièrent également de nombreux tests de « non-régression », visant à vérifier que la MAJ n’entraîne une instabilité de la solution, voire son blocage. Cela fait beaucoup de choses à gérer en quelques mois ». Contacté par notre rédaction, l’éditeur Sopra Group n’a pas souhaité s’exprimer sur ce sujet. Pour les cabinets de conseil, les solutions en mode SaaS possèdent un relatif avantage dans la mise en place du PAS. Leur mise à jour étant totalement gérée à distance par l’éditeur, le client n’a donc quasiment rien à faire. Un argument également défendu par les éditeurs de solutions hébergées. « Le PAS est une bonne occasion de promouvoir les logiciels de paie en mode SaaS. Nos clients n’ont pas à gérer la mise à jour de leurs solutions, qui sont automatiquement déployées sur la plate-forme. Et ils en bénéficient tous en même temps. Résultat : avec une solution SaaS, le PAS ne représente aucun enjeu technique pour nos clients », assure Agnès Pasquier, de Cegedim SRH. Un point de vue nuancé par Isabelle Van Cauwenberge, directrice juridique de Meta4 et présidente de l’association pour la Simplification et la Dématérialisation des Données des Sociétés (SDDS), qui regroupe 32 éditeurs de solutions RH. « Nous n’observons pas de différences notables dans l’avancement des mises à jour des solutions entre nos clients SaaS et ceux on premise », indique-t-elle. « En revanche, la taille de l’entreprise semble jouer. Globalement, les PME ont pris le sujet plus tard que les grands comptes. C’est finalement la taille de l’entreprise, qui est le principal critère dans l’avancée de l’évolution vers le PAS », assure-t-elle. De son côté, Talentia Software, qui propose des solutions SaaS et on premise, souligne que les logiciels de paie hébergés requièrent tout de même des paramétrages. « Il y a toujours un travail de personnalisation car chaque cas est unique, même en mode SaaS », précise Franck Boussard. Selon Mc²i Groupe, les grands comptes sont encore majoritairement restés sur un mode on premise pour leurs logiciels de paie. En revanche, les PME et ETI sont de plus en plus nombreuses à passer au mode hébergé.

UN RETOUR DE DÉCLARATION MENSUELLE DANS L'INTERFACE DSN.

La DSN : « véhicule » de l’échange de données du PAS

Selon les acteurs du secteur, la mise en place technique du PAS est facilitée par l’exploitation d’une infrastructure déjà éprouvée pour les échanges de données. Il s’agit de la DSN (déclaration sociale nominative), mise en place depuis janvier 2017 pour les entreprises privées. « La DSN a été un gros chantier, qui a transformé 50 ans de déclaration de paie. Sa mise en place a fait travailler ensemble de nombreux acteurs, des éditeurs à l’administration fiscale. Elle a préparé le terrain pour le PAS », souligne Agnès Pasquier de Cegedim SRH. « L’expérience acquise avec la DSN a été déterminante pour la mise en place du prélèvement à la source. Le PAS est un complément à la DSN », poursuit Isabelle Van Cauwenberge de SDDS. Techniquement, la DSN permet de transmettre, via un flux unique, les données issues de la paie des entreprises à une trentaine d’organismes et administrations (CPAM, Urssaf, Agirc Arrco, Pôle emploi, etc.). Auparavant, les entreprises devaient multiplier les échanges, ce qui est bien entendu plus fastidieux et source d’erreurs. Concrètement, les entreprises déposent un fichier, la déclaration DSN, sur une plate-forme en ligne (Net-Entreprises, jedeclare.com ou msa.fr). Cette déclaration mensuelle intègre notamment des éléments des bulletins de paie. « Via le concentrateur de Net-Entreprises, le flux DSN est échangé entre l’entreprise et la plateforme nationale de l’Administration fiscale, dans un protocole machine to machine », indique Jérôme Ricard, chez Cegid. La DSN dispose également de deux autres flux de données « au fil de l’eau », c’est-à-dire envoyés sans périodicité fixe. Ces flux concernent des signalements d’événements, comme les fins de contrat et les arrêts de travail.

Pour le PAS, ce sera le flux de déclaration mensuelle qui sera utilisé. L’employeur ajoutera des informations dans cette déclaration comme les montants individuels prélevés, les taux appliqués et le montant agrégé de l’impôt à transmettre. Pour cela, de nouveaux champs d’informations ont été ajoutés dans la structure des DSN mensuelles. De son côté, la DGFiP utilisera le « flux retour » de cette déclaration mensuelle pour communiquer chaque mois aux entreprises les taux de prélèvement de leurs salariés, lorsqu’ils sont connus. Selon les principaux acteurs de la filière SIRH, l’utilisation de la DSN est assez familière pour les entreprises du secteur privé, ce qui facilite l’évolution vers le PAS. La situation est différente pour les acteurs de la fonction publique, qui n’exploiteront pas tous la DSN avant 2022. En attendant, ils vont pouvoir utiliser une passerelle informatique baptisée PASRAU (Prélèvement à la source pour les revenus autres). Elle sera accessible également via le portail Net-Entreprises. Pour les acteurs de la fonction publique l’utilisation de cette infrastructure dématérialisée est une totale nouveauté. Ils ne bénéficient pas de l’expérience acquise avec la DSN. La mise en place du PAS dans la fonction publique est donc plus complexe, soulignent les acteurs de la filière SIRH.

Phase de préfiguration pour tester le dispositif en conditions réelles

Depuis septembre, les entreprises peuvent participer à une deuxième phase de tests, dite de « préfiguration », basée sur les taux de prélèvement réels des salariés. Durant cette phase, les bulletins de paie des salariés afficheront l’assiette, le taux de prélèvement et le net versé après impôt. Non obligatoire, cette phase de simulation est vivement recommandée par les éditeurs. « La phase de préfiguration est importante car elle permet à la DRH de communiquer auprès des salariés et d’avoir un retour sur des éventuelles erreurs. Cela permet de valider les paramétrages de la solution informatique mais aussi les données qu’elle exploite », souligne Franck Boussard, chez Talentia Software. « Cette phase permet aux entreprises de comprendre le fonctionnement du PAS et aux employés de vérifier les informations les concernant », confirme Jérôme Ricard. Un grand nombre d’entreprises ont décidé de « préfigurer ». « La quasi-totalité de nos 250 clients ont choisi de passer par la phase de préfiguration », confie Agnès Pasquier, chez Cegedim SRH. Chez Meta4, on indique que plus de 80 % des clients ont également opté pour cette phase de simulation. De son côté, Cegid table sur 90 % de clients qui auront préfiguré d’ici à décembre. « Ils sont déjà aujourd’hui 55 % à suivre des formations et avoir choisi de préfigurer avant la fin de l’année. Mais nous avons bon espoir de convaincre les autres. Ce fut pareil avec la DSN, tous les acteurs ne se sont pas mobilisés au même moment », précise encore Jérôme Ricard. Selon les éditeurs, la plupart des entreprises mènent ces tests durant trois mois, d’octobre à décembre. Globalement, les grands comptes ont débuté cette phase en octobre, les ETI et les PME commenceront plutôt en novembre. Enfin, un nombre plus réduit de PME a reporté ces tests à décembre, ce qui n’est pas forcément un bon calcul. « Dans cette période de fin d’année, il y a souvent des ajustements, comme les primes ou le 13e mois. Le prélèvement à la source sera donc visuellement plus élevé sur le bulletin de salaire, ce qui n’est pas optimal sur un plan psychologique pour le salarié », estime Benoît Capitant chez Mc²i Groupe. Pour accompagner les entreprises durant cette phase importante, les éditeurs ont mis en place des cursus de formations pour les DRH et des kits de communication à destination des salariés. « Nous proposons des formations pour expliquer la réforme et comment elle s’intègre dans les logiciels de paie via six modules en ligne », explique ainsi Laura Chikli, chez Sage.

Cegedim SRH a pour sa part mis en place, depuis le 1er octobre, le site « wikipas.com » qui intègre un chatbot répondant aux questions les plus fréquentes (lire encadré plus loin). Un outil ouvert à toutes les entreprises, au-delà des clients actuels de l’éditeur. « Le chatbot est de nature à réduire les appels et les mails envoyés par les salariés aux services de paie. Il permet ainsi de réduire les risques de saturation du support RH », indique Agnès Pasquier. Gérer cet afflux de messages de la part des employés sera un des enjeux de la phase de préfiguration. L’objectif est bien entendu de préparer la phase opérationnelle afin que le support RH ne soit pas surchargé en janvier prochain. « Même si la DGFiP reste l’interlocuteur privilégié pour les salariés, ils se tourneront naturellement vers leur employeur en cas de problème ou d’interrogation », indique Laura Chikli. Sur ce sujet de la gestion du support, la DSI peut être d’un grand secours, indiquent les éditeurs. La DRH peut s’inspirer des modes de gestion du support technique de la DSI. « La DSI connaît bien les systèmes de tickets qui permettent de gérer de gros volumes de demandes. Elle peut conseiller la DRH dans ce type de solution, dont elle a l’expérience. La DSI a également une idée de la volumétrie des demandes des salariés lors de la mise en place de nouvelles solutions. Cette information peut être utile à la DRH pour anticiper les besoins en support », explique Lazize Hebbouche, chez Calexa Group.

CIRCUIT DE LA DÉCLARATION DSN POUR LE PAS

À la recherche de la donnée erronée

La phase de préfiguration sera l’occasion d’identifier d’éventuelles erreurs sur les données utilisées par les logiciels de paie, que ce soit sur le montant ou le type de prélèvement (taux personnalisé, non personnalisé ou individualisé). Des erreurs peuvent aussi s’être glissées au niveau de l’identité du salarié, par exemple sur son numéro d’immatriculation fiscale. « Le risque est de recevoir des données erronées dans le flux de la DGFiP. Les bugs ne viendront pas des logiciels de paie. Par exemple, pour les personnes qui ont fait des déclarations papier, la DGFiP semble avoir pris du retard dans la prise en compte de leur taux personnalisé ou individualisé et ils risquent de débuter leur campagne de PAS en janvier avec un taux neutre, qui est moins avantageux, même si la régularisation se fera dans l’année », indique Benoit Capitant. Pour réduire les erreurs d’identification des salariés, le PAS n’utilise plus uniquement le numéro de sécurité sociale comme identifiant. « Ceux qui entrent dans la vie active n’ont pas toujours leur numéro de sécurité sociale tout de suite, mais ils doivent pourtant être identifiés dans le cadre du PAS », indique Jérôme Ricard (Cegid). D’autres critères ont donc été ajoutés dont le nom, le prénom, la date de naissance, le lieu de naissance ou l’adresse fiscale. « Tous ces éléments sont pris en compte pour identifier le salarié. Il faut donc bien vérifier que ces données sont correctes », poursuit-on chez Cegid.

Une nécessaire collaboration entre DSI et DRH

Si la DSI n’est pas l’acteur principal de la mise en place du PAS, sa collaboration avec la DRH est incontournable, indiquent les éditeurs de logiciels de paie. Outre l’application des mises à jour et son éventuel partage d’expérience dans la gestion du support technique, la DSI sera de toute manière sollicitée au niveau de la sécurisation des données liées au PAS. Le taux de prélèvement des salariés relève en effet du RGPD. Cette information doit donc être sécurisée. Mais le DSI peut aussi conseiller la DRH en matière de conduite du changement. « La DSI connaît bien cette problématique, car elle déploie régulièrement de nouvelles solutions sur le SI qui peuvent changer la manière de travailler des collaborateurs. La DSI a l’habitude de communiquer auprès des salariés, en exploitant par exemple les réseaux sociaux internes ou en mettant en place des tutoriels. L’expérience de la DSI dans la conduite du changement est une ressource précieuse pour la mise en place du PAS », souligne Lazize Hebbouche. Au final, la collaboration entre la DSI et la DRH constitue un élément déterminant dans la mise en œuvre du PAS. « Il est crucial que la DSI et la DRH travaillent ensemble sur le déploiement du PAS », estime ainsi Laura Chikli. Un avis partagé par Isabelle Van Cauwenberge, chez SDDS. « La collaboration entre DSI et DRH devient incontournable à mesure que les projets se complexifient. C’est le cas avec le PAS, mais aussi face au cumul de réformes légales à mettre en œuvre en janvier 2019. Le PAS a tout de même la priorité, même si ce n’est pas une réforme très complexe techniquement pour les employeurs déjà rôdés à la DSN », conclut la responsable.

UN CHATBOT NOMMÉ CHLOÉ

Depuis début octobre, Cegedim SRH a mis en ligne le site « wikipas.com » qui intègre de nombreuses informations sur le PAS à destination des salariés. Le site dispose également d’un chatbot, chargé de répondre aux principales questions des collaborateurs. « Les questions sont souvent les mêmes, donc autant partager les réponses », indique l’éditeur. « Ce chatbot, baptisé Chloé, a été programmé par nos experts juridiques et entraîné par nos salariés. Il intègre des fonctions de Machine Learning, lui permettant d’être de plus en plus pertinent dans ses réponses », poursuit Cegedim SRH. Chloé possède une personnalité, un âge, des hobbies… afin que les réponses soient les plus humanisées possible. Pour utiliser ce wikipas, Cegedim SRH crée un compte que pourra utiliser l’ensemble des salariés de l’entreprise. « Il n’y a pas d’accès personnel, mais un identifiant pour chaque société. Les salariés peuvent ainsi discuter de manière totalement anonyme. » Dès le 3 octobre, le site enregistrait 50 000 connexions en provenance d’une centaine d’entreprises. Et le chatbot devait être personnalisé en novembre pour « un acteur français de la grande distribution ».

COMMENT SÉCURISER LES NOUVELLES DONNÉES DU PAS ?

Selon les acteurs de la filière SIRH, l’entreprise doit sécuriser l’usage interne et le stockage des nouvelles données liées au PAS. Une tâche qui incombe au DSI, au RSSI ou même au DPO (Data Protection Officer).  Il s’agit principalement du taux de prélèvement, une donnée à caractère personnel qui relève du RGPD. « Ces taux n’ont pas vocation à circuler librement dans l’entreprise et ne doivent pas sortir des mains des gestionnaires de paie que sont les services RH ou de comptabilité.  Le DSI va devoir renforcer sa communication auprès de la DRH autour de l’usage de ces données et aussi mettre en place les dispositifs techniques pour les protéger », explique Benoît Capitant, chez Mc²i Groupe. Concrètement, ce nouveau traitement de données personnelles devra être consigné dans le registre mis en place dans le cadre du RGPD.  Par ailleurs, l’entreprise devra prendre toutes les « mesures organisationnelles et techniques » pour assurer la protection de cette information. Il s’agit notamment d’ajouter des dispositifs de contrôle d’accès internes afin que ces données ne sortent pas du domaine RH.  Il convient aussi de protéger les serveurs et autres postes où sont stockées les données. Cegid recommande même de chiffrer les ordinateurs portables des personnes concernées et d’intégrer des filtres sur les écrans de leurs postes fixes. L’éditeur recommande également de profiter du PAS pour dématérialiser les bulletins de paie afin de les stocker dans un coffre-fort électronique.  Enfin, l’entreprise doit également contrôler le transfert de ces données. Par exemple : si des taux sont transmis par e-mail à un cabinet comptable, la pièce jointe contenant cette donnée devra être chiffrée. « Il faut également bien communiquer auprès des collaborateurs travaillant dans les fonctions transverses comme l’informatique, la finance et la RH qui ne doivent pas échanger entre eux des informations concernant le PAS, via e-mail par exemple », conclut Lazize Hebbouche, chez Calexa group.

TÉMOIGNAGE : « UN DÉPLOIEMENT RELATIVEMENT SIMPLE », ESTIME SINEQUA

Sinequa, éditeur de logiciel dans le domaine du Big Data et de l’Intelligence artificielle, est une des premières entreprises à avoir participé à la phase de tests du PAS. Pour cette PME parisienne de moins de 250 salariés, cliente de Sage, la mise en place du prélèvement à la source se déroule sans encombre.  « Comme tout le monde, nous nous sommes posé des questions, notamment sur la récupération des taux, la confidentialité des données ou le nombre de nouvelles manipulations à effectuer », observe Catherine Garnier, chef comptable chez Sinequa. « Et au final, nous nous sommes rendu compte que les process étaient quasiment inchangés. C’est une adaptation du logiciel. Il fait les calculs de lui-même, nous n’avons pas à entrer manuellement les taux d’imposition. L’usage du logiciel demeure simple », estime-t-elle. Toutefois, Sinequa indique avoir dû vérifier un certain nombre de calculs du logiciel afin de procéder à des ajustements. « Avec l’aide de Sage nous avons remédié à ces difficultés et tout est rentré dans l’ordre ». Pour mener à bien ces premiers pilotes, Sinequa a mis en place une plate-forme de tests. Elle n’a pas utilisé sa plate-forme de production. Sinequa passe aujourd’hui à la phase de préfiguration. « La préfiguration des bulletins de salaire est l’opportunité de mettre les salariés dans les conditions du réel, et d’ajuster, si besoin était, nos actions. Le premier test effectué sur les bulletins de paie de septembre s’est déroulé correctement comme attendu. Nous sommes donc sereins quant à la mise en place du PAS. Nous avons anticipé et mis tout en œuvre pour préparer les choses sur le plan technique et faire de la pédagogie auprès de nos salariés », conclut la responsable.