Non, le Conseil Constitutionnel n’a pas censuré toute la Hadopi

La Quadrature du Net a été un peu trop enthousiaste, ou pressée, d’annoncer que les sages de la rue Montpensier avaient retiré à la Hadopi ses pouvoirs. Dans les faits, le Conseil Constitutionnel a restreint le champ des données de connexion auxquelles la Hadopi a accès. 

Nous venons de gagner contre la Hadopi de le Conseil Constitutionnel ! L’essentiel de ses pouvoirs seront déclarés contraires à la Constitution et prendront fin d’ici la fin de l’année”. Voici ce que tweetait plus tôt cette semaine la Quadrature du Net. En effet, les Sages de la rue Montpensier ont donné raison à plusieurs associations, dont la Quadrature, qui avaient formé un recours contre la Hadopi. 

Une victoire certes, mais dont la portée est très nettement moindre à ce que l’association de défense des libertés proclamait. Celle-ci a d’ailleurs fait son mea culpa, la faute à “la pression de l’urgence médiatique” plaide à nouveau la Quadrature sur Twitter. Toujours est-il que le champ de la censure de la Hadopi par l’institution garante de la Constitution est bien plus réduit qu’annoncé, comme le montre sa décision du 20 mai.

Les Sages se sont prononcés sur l’article L 331-21 du code de la propriété intellectuelle, notamment ses alinéas 3 et 4. Y sont définies parmi les prérogatives de la Hadopi les données auxquelles ses agents peuvent avoir accès. Soit “tous documents, quel qu'en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques” dans le cadre de la procédure et, dans l’alinéa 5, “notamment” requérir des opérateurs “l'adresse postale, l'adresse électronique et les coordonnées téléphoniques de l'abonné”. 

Tout n’est pas inconstitutionnel

Bref, un champ extrêmement large que permet ce qu’à plusieurs reprises le Conseil Constitutionnel fustige. “Le législateur n'a ni limité le champ d'exercice de ce droit de communication ni garanti que les documents en faisant l'objet présentent un lien direct avec le manquement à l'obligation” estiment les juges dans leur décision. D’autant que les données que peut obtenir la Hadopi “fournissent sur les personnes en cause des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée”. 

En d’autres termes, le législateur n’a pas selon le Conseil Constitutionnel garantit les garde-fous suffisants à la protection des données personnelles et de la vie privée des personnes. C’est pourquoi ces deux alinéas, ainsi que le terme “notamment” du 5ème alinéa sont déclarés anticonstitutionnels. Ce qui certes risque de compliquer le travail des agents de la Hadopi, mais ne les empêchera à aucun moment de mener à bien leur mission. 

En effet, avec la censure de ce “notamment”, la Haute Autorité sera toujours en mesure de récupérer et traiter “l'adresse postale, l'adresse électronique et les coordonnées téléphoniques de l'abonné” accusé d’avoir téléchargé illégalement des oeuvres. En outre, ces mesures ne s’appliqueront qu’au 31 décembre prochain et, d’ici là, le projet de loi audiovisuel permettant au CSA d’absorber la Hadopi pourrait être adopté.