Des algorithmes contre le terrorisme

Un nouveau texte de loi sur l’anti-terrorisme est dans les cartons du ministère de l’Intérieur et prévoit d’actualiser et de pérenniser le traitement automatisé des données de connexion par la DGSI.

Dans le JDD ce week-end le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a dévoilé les contours du futur projet de loi sur la lutte contre le terrorisme. Le texte, qui prévoit de renforcer les mesures préexistantes, doit modifier la loi sur le renseignement de 2015 et la loi de 2017 relative à la lutte anti-terroriste prolongée par le Parlement jusqu’en juillet 2021. Le texte reprendra également des éléments de la proposition de loi des députés En Marche censurée par le Conseil constitutionnel l’été dernier. 

Parmi les mesures évoquées par le ministre de l’Intérieur, l’actualisation et la pérennisation du « recours aux algorithmes, c’est-à-dire le traitement automatisé des données de connexion, par la DGSI ». La loi de 2017 relative à la lutte contre le terrorisme prévoyait quant à elle un certain nombre de cas permettant un « traitement automatisé de données à caractère personnel » : enquêtes administratives, prévention et constatation d’infraction ou encore mise en place d'une surveillance électronique mobile. Mais rien concernant un traitement automatisé des données de connexion.

Un repérage difficile

Celui-ci a en effet été introduit dans le code de la sécurité intérieur par la loi renseignement de 2015 qui créait un chapitre dédié aux accès administratifs aux données de connexion. Y est prévu, en son article L851-3 que les opérateurs puissent se voir imposer « la mise en œuvre sur leurs réseaux de traitements automatisés destinés, en fonction de paramètres précisés dans l'autorisation, à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste ».

Pour Gérald Darmanin, ce traitement automatisé doit répondre à l’évolution de la menace terroriste : « nous avons désormais affaire sur notre sol à des individus isolés, de plus en plus jeunes, inconnus des services de renseignement avant leur passage à l’acte et sans forcément de lien avec des réseaux islamistes constitués. Leur usage systématique d’Internet et des réseaux sociaux plutôt que des moyens téléphoniques classiques rend difficile leur repérage » explique le ministre de l’Intérieur, se référant à l’assassin de Samuel Paty qui utilisait la messagerie privée d’Instagram.

Si les autres le font…

« La loi doit nous permettre d’être plus efficaces, en nous renforçant sur le terrain de la technologie qu’utilisent les terroristes » ajoute-t-il. On ignore pour l’heure la forme précise que prendra cette surveillance algorithmique. Il faudra attendre mercredi que le projet de loi soit présenté en Conseil des ministres, avant d’être débattu en mai à l’Assemblée nationale.  On se rappelle que des mesures similaires dans le cadre des lois de 2015 et de 2017 avaient fait l’objet d’âpres débats autour de la surveillance de masse et des libertés individuelles.

Interrogé à ce sujet, Gérald Darmanin dénonce la « naïveté » des détracteurs du traitement automatisé des données personnelles des suspects de terrorisme. « Toutes les grandes entreprises utilisent des algorithmes. Et il n’y aurait que l’État qui ne pourrait pas les utiliser ? Pour mettre en œuvre ces techniques, il existe des garanties » assure-t-il. Des éléments de langage repris ce week-end sur les plateaux TV et radio par Laurent Nuñez, le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, qui insiste sur « l’importance de cette technique avec des individus de plus en plus isolés dont les seules traces sont les traces numériques ».