Les Armées boudent le FIC

Bien que créé par les gendarmes, le salon lillois dédié à la cybersécurité devra se passer pour sa prochaine édition du ministère des Armées et de ses émanations. Officiellement, cette impasse sur le FIC s’explique par l’augmentation des coûts de l’évènementiel. Officieusement, le torchon brûle entre la Grande Muette et les organisateurs.

Le FIC, coorganisé par la Gendarmerie nationale, devra se passer des militaires lors de sa quinzième édition, qui se tiendra du 5 au 7 avril au Grand Palais de Lille. Selon Challenge, dans un courrier du 21 décembre, le général, directeur par intérim de la Dicod (Délégation à l'information et à la communication de la Défense), demande au ministère et à ses diverses branches de faire l’impasse cette année sur le Forum International de la Cybersécurité.

Les militaires tiennent en effet sur le salon l’un des stands les plus imposants, mutualisé entre la DGA, le ComCyber, la DRM (Direction du renseignement militaire) ou encore la DRSD (Direction du renseignement et de la sécurité de la défense). Dans sa missive, le général Yann Gravêthe écrit que « le nombre de salons, forums et autres évènements pour lesquels la participation du ministère des Armées est sollicitée augmente d'année en année, ainsi que les coûts associés, alourdis par la très forte inflation constatée dans le domaine de l'évènementiel (+27% en dix-huit mois) ».

Pas de galonnés au FIC ?

Il s’agirait donc de réduire les dépenses évènementielles des Armées, d’autant que le Ministère organise ses propres salons, notamment celui de son fonds innovation défense, qui aura lieu en novembre. La lettre souligne qu’un examen de l'activité évènementielle de la Grande Muette sera mené lors de ce semestre. Du côté de l’organisateur, Guillaume Tissier, patron du CEIS, explique à Challenges ne pas avoir « reçu de réponse définitive à ce jour » mais être au courant « d’arbitrages en cours ».

En coulisse, c’est une toute autre musique que l’on entend. Avisa Partners, acquéreur en de CEIS en 2020, n’est en effet plus en odeur de sainteté auprès du ministère des Armées et de ses entités. Mi 2022, une enquête de Fakir, suivie par Médiapart, révèle que les espaces participatifs de divers médias sont infiltrés par de vrais-faux journalistes, à des fins de lutte d’influence entre Etats et entre entreprises. Le témoin, un journaliste, racontait ainsi que son employeur était une société d’intelligence économique.

Avisa dans le viseur

Laquelle comptait parmi ses clients certes des groupes français, mais aussi des Etats étrangers et des multinationales. Selon Médiapart, la DGSE et la DGSI avaient émis une note commune selon laquelle les opérations d’influence menées par cette société d’intelligence économique nuisait aux intérêts de la France en Afrique, au Mali notamment. Or il s’avère que la société en question est Avisa Partners, organisateur du FIC depuis le rachat de CEIS.

« La décision de ne pas participer au FIC est à la fois due à la volonté de contrôler les coûts, et au risque réputationnel de travailler avec Avisa » explique à Challenge une source du ministère des Armées. De son côté, Guillaume Tissier assure que « nous ne sommes jamais intervenus contre les intérêts français en Afrique, et le prétendre relèverait d'un propos diffamatoire caractérisé. Nous n'avons mené aucune opération électorale après 2018 ». Il pointe notamment du doigt le désamour entre la DGSE et Avisa Partners.  

« Le ministère n’est pas un bloc uniforme, et il n’y a jamais eu de message clair sur un quelconque ostracisme à notre égard. Nous avons d’ailleurs toujours des projets en cours avec le ministère des armées, qu'on ne peut pas dévoiler, pour les mêmes raisons de confidentialité que pour nos autres clients » estime-t-il.