Le hacker se serait emparé de 50 millions de dollars, soit le tiers du montant levé voici 3 semaines dans le cadre du projet TheDAO, le premiers fonds d’investissement décentralisé basé sur la blockchain. Il s’agit d’un coup très dur pour le projet en particulier et pour les cryptomonnaies en général.
Vendredi matin, le projet TheDAO a pris un coup sur la tête peut-être définitif. En effet, en profitant d’une faille du système, en l’espèce une vulnérabilité d'appel récursif, où le hacker appelle la fonction "split" en boucle pour recueillir les jetons lui permettant de créer une DAO fille sur laquelle il a le droit de curation, passé un certain délai. Dès lors, il peut convertir ses jetons en Ether et reconvertir ensuite les Ether dans une autre monnaie réelle. Avec le bug, il a pu multiplier ses appels et a donc siphonné près du tiers des jetons. Mais le pire est que le bug n’est toujours pas corrigé et qu’une autre personne l’a démontré ce week-end en siphonnant une dizaine de jetons, pour montrer le bug. Aussi, si rien n’est fait - et rien ne semble être fait pour le moment - la totalité des fonds va être évaporée. En effet, le pirate qui a agi vendredi a récupéré 50 millions de dollars au cours de vendredi de la cryptomonnaie Ethereum. Depuis, la somme est moins importante, car le cours de ce dérivé du Bitcoin a fortement chuté à la suite de ce piratage, -33% pour la seule journée de vendredi.
De 500 000 dollars à 150 millions
Au mois de mai dernier se créait une nouvelle DAO (Decentralized Autonomous Organization), c’est-à-dire un ensemble de règles de gouvernance de projet définies par une communauté. Baptisée TheDAO, elle donnait naissance au premier fonds d’investissement basé sur ce principe organisationnel et qui a levé des fonds via une campagne de financement participatif.
«Au départ, il s’agissait d’un projet bien précisé comme étant en Bêta et qui visait à lever 500 000 dollars pour créer des serrures connectées », comme le précise Renaud Lifchitz, consultant en sécurité et membre de la communauté Ethereum. L’affaire a tellement bien marché que le fonds a récolté près de 10% des pièces Ether en circulation, soit 100 millions de dollars. Depuis le cours avait continué à progresser et le montant atteignait environ 150 millions de dollars, donc une bien belle affaire pour les participants. Aussi au-delà du projet initial, TheDAO pouvait donc être en mesure de financer différents projets à la manière de ce que font les capitaux-risqueurs traditionnels mais dans une structure décentralisée et virtuelle.
Tout ceci semblait magnifique mais, patatras, un pirate vient de mettre par terre cette « belle » organisation en profitant d’un énorme bug dans le fonctionnement de cette blockchain.
Pour le moment tout est bloqué et la seule solution pour récupérer l’argent est de dérouler la blockchain mais ceci s’oppose à la philosophie générale du projet qui, pour certains puristes, supposent que l’intervention humaine soit nulle, y compris en cas d’attaque. L’autre solution – qui semble être celle vers laquelle on pourrait se diriger – suppose de créer un fork mais là encore l’opération n’est pas sans risque. Comme l’indique le professeur d’informatique Emin Gün Sirer : « c’est l'un des scénarios cauchemar qui inquiétait tout le monde, à savoir que quelqu’un exploite une faille du DAO pour dérober une grosse somme ».
Soft ou Hard Fork mais fonds perdus
Renaud Lifchitz indique que deux méthodes sont possibles : soft ou hard fork. C’est la première qui semble vouloir être utilisée. Elle consiste à donner aux mineurs une nouvelle version du programme qui n’accepte pas dans la blockchain les jetons de la DAO du pirate ou d’une fille. En gros les fonds sont gelés et il ne pourra rien en faire. L’autre solution consisterait à distribuer une nouvelle version qui effectuerait un roll-back de toutes les transactions avec cette DAO mais cela signifie que toutes ces transactions seraient perdues et tous les achats invalidés. Pour que la première méthode fonctionne (le soft fork), il faut que plus de la moitié des mineurs acceptent cette nouvelle version, ce qui n’est pas garanti. Cependant, y compris dans le soft fork, même si les fonds ne pourront pas être utilisés par le pirate, ils seront tout de même perdus pour les investisseurs. Et c’est un autre paradoxe que souligne Renaud Lifchitz : « le choix du soft fork a été proposé par les développeurs de la DAO et soumis à l'acceptation d'une majorité de mineurs alors qu’il devrait être fait par les actionnaires, ceux-là mêmes qui sont susceptibles de perdre ou pas leurs investissements ».
M. Lifchitz souligne que l’on se trouve aujourd’hui devant un choix politique et non plus technique dans lequel on accepte un système totalement décentralisé avec ses failles ou un système plus centralisé. « c’est une affaire de choix politique et moral ».
En effet, pour que les 100 et quelques millions de dollars ne disparaissent pas purement et simplement, il faut inverser totalement le fonctionnement et recourir à une mesure centralisée, mesure justifiée par l’ampleur du piratage. Mais le pirate lui-même pourrait s’opposer à la mesure considérant qu’elle est contraire au principe de fonctionnement du système, principe qui l’a lui-même conduit à adhérer, considérant que la vulnérabilité n’en était pas une mais bien une « fonctionnalité » qu’il a utilisée. Comme le souligne le blog Errata Security :
Dans tous les cas, le concept de base du TheDAO est une utopie totalement inutile. À la base, le Bitcoin a été créé par des personnes qui connaissaient le fonctionnement de la monnaie. TheDAO a été créé par des gens profondément naïfs sur l’investissement. C’est comme si vous mettiez toutes vos économies aux mains de singes savants. L’ambition de TheDAO était de se baser sur la sagesse des foules en estimant que tout le monde fera des choix avisés pour profiter à la collectivité. Mais c’est devenu l’ignorance des monstres où tout le monde pense que personne ne tentera de tromper le système. En fait, ce piratage est bienvenu parce qu’on a compris les limites du système avant qu’il devienne trop important. Si TheDAO avait continué de cette manière, alors ce serait devenu une sorte de pyramide de Ponzi en provoquant l’arrestation de ces créateurs »