Alors que la loi du 13 novembre 2014 permettait déjà à l’autorité administrative d’ordonner le blocage d’un site faisant l’apologie du terrorisme, sans contrôle judiciaire, les députés ont décidé hier de renforcer cette mesure dans le cadre de l’état d’urgence : on ne parle plus de blocage, mais d’interruption.
87 sites faisant l’apologie du terrorisme ont été bloqués, dixit le ministre de l’Intérieur. Depuis quand ? Par qui ? Le ministère a choisi pour l’heure de ne pas donner suite à nos questions. On sait cependant que le rythme des blocages va s’intensifier… En effet, dans le cadre de la refonte législative et de la prorogation pour trois mois de l’état d’urgence, votée hier par les députés, deux amendements identiques ont été adoptés.
Les amendements 50 et 57 stipulent tous deux que « le ministre de l’Intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ». C’est court, lapidaire et, surtout, déjà en place avec la loi du 13 novembre 2014 relative à la lutte antiterroriste.
Interruption de services en ligne
Dans le régime instauré par l’article 9 de cette loi, l’autorité administrative, ici l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), décide d’une liste de sites à bloquer. Elle transmet ensuite cette liste aux FAI, qui ont 48 heures après notification pour s’exécuter. L’OCLCTIC doit en outre contacter l’éditeur ou l’hébergeur du site. Enfin, la technique de blocage conseillée est précisée par le texte (en l’occurrence, le blocage DNS).
Dans le nouveau régime d’état d’urgence adopté hier par les députés, l’OCLCTIC disparaît du processus (à moins qu’un décret ne vienne, dans le futur, indiquer le contraire), les étapes citées ci-dessus aussi : c’est le ministre de l’Intérieur qui prend la décision. Et celui-ci est libre de « prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ». En d’autres termes, les deux amendements au projet de loi élargissent, sans limitation pour l’instant, le champ du blocage de sites. Toutes les techniques « d’interruption » peuvent être utilisées : blocage DNS, mais aussi mise hors service de matériel chez l’hébergeur par exemple.
Lors des débats, ces deux amendements n’ont donné lieu à aucune contestation. Jean-Jacques Urvoas a toutefois souligné que « le Gouvernement bloque déjà des sites internet par décision administrative, et il le fait sous quarante-huit heures. Peut-on faire mieux, comme le sous-entendent ces amendements ? ». Il pense que c’est effectivement souhaitable, mais « voit mal quelle peut être leur portée immédiate et opérationnelle »... Rappelons par ailleurs que les premières versions du projet de loi de 2014 ne laissaient aux FAI que 24 heures pour bloquer un site.
Perquisition dans le cloud et renseignement
Concernant d’autres dispositions, que nous évoquions hier, les rapporteurs ont évacué les propositions relatives à la coupure des communications des assignés à résidence, jugeant ce type de mesures difficilement opérationnelles. Au contraire, les perquisitions dans le cloud pourront bien avoir lieu, le projet de loi prévoyant qu’il « peut être accédé, par un système informatique ou un équipement terminal présent sur les lieux où se déroule la perquisition, à des données stockées dans ledit système ou équipement ou dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour le système initial ».
Enfin, notons que la loi Renseignement s’étoffe d’un nouveau motif d’utilisation des techniques de renseignement : « la prévention des actions tendant au maintien ou à la reconstitution des associations ou groupements dissous en application du présent article ».