Disparition de Jack Tramiel : un pionnier s’en est allé
par Loïc Duval, le 10 avril 2012 12:14 
Le Père de Commodore et d'Atari s’en est allé dimanche 8 avril à l’âge de 83 ans. Son nom n’est pas aussi populaire que celui de Steve Jobs, Bill Gates ou Sir Clive Sinclair, mais son impact sur la micro-informatique aura été tout aussi essentiel. Peut-être plus encore que ses illustres contemporains, il aura contribué à mettre l’informatique entre toutes les mains.
Jack Tramiel est le père spirituel des Commodore Vic-20, C64, Atari ST (surnommé le Jackintosh à l’époque) et même de l’Atari Jaguar (toutefois le génie technique derrière nombre de ces machines, à l’exception du Jaguar, était Shiraz Shivji dont les relations avec Jack avaient fini par être aussi tendues que celles de Steve Jobs et Steve Wozniak).
Jack Tramiel avait l’image d’un homme dur en affaire et exigeant avec ses employés. Il était le père de la formule « Business is War ». Il était surnommé en interne « The Revolving Door ». Cette dureté était celle d’un homme qui a connu les camps de concentration (déporté à Auschwitz en 1944 avec son père, libéré en 1945 par les forces US) et qui s’est battu des mois durant pour simplement survivre. Une expérience qui avait profondément transformé sa vision de la vie et du travail. L’homme n’avait plus peur de rien.
Deux hurluberlus dans son bureau...
Pourtant, l'auteur de ces lignes, ayant travaillé avec lui durant de nombreuses années, garde l'image d'un homme plein d’humour, ayant le sens des formules, et un regard parfois ironique sur sa propre histoire. Ainsi, il m’a raconté comment il avait fini par virer de son bureau deux hurluberlus venus lui proposer un prototype d’ordinateur et prétendant pouvoir faire mieux que ses propres équipes d’ingénieurs chez Commodore : ils s’appelaient Steve Jobs et Steve Wozniak, « and maybe that was not my smartest move ». Il avait simplement sa vision des choses (jamais celle des autres) et pouvait se montrer sensible comme un jour de CeBIT où il m’a convoqué dans son bureau simplement pour me raconter avoir visité le matin même un musée de la déportation et avoir reconnu sa femme sur les vidéos de l’époque. Il en était bouleversé et exprimait le besoin d’en parler. Ou encore, alors que je m’éclatais à démontrer les premières démos de l’Atari Jaguar sur un salon, il m’asséna une remarque qui pouvait s’interpréter comme « Loïc, il faudra penser à quitter Atari le jour où tu ne t’y amuseras plus ». Mais Atari ferma ses portes en 1996 avant que ma lassitude ne puisse s’exprimer.
L'homme pouvait également faire preuve d'un cynisme tout à fait décapant. Ainsi, au moment où Atari annonçait son intention de fabriquer des PC, Jack Tramiel justifiait cette décision ainsi : "Le PC c'est comme la cigarette. Ça n'apporte rien de bon mais puisque tout le monde en veut pourquoi ne pas en fabriquer". Vu sous cet angle ...
Merci, Jack.